31 juil. 2011

TINARIWEN : Teshumara, Kalachnikov, Guitares & Poésies...

Quand une musique nous touche, on ne cherche pas forcément à savoir pourquoi, c'est ainsi, c'est tout. On ne peut s'empêcher de penser qu'elle est comme une réponse à une quête de musicalité intérieure, un écho qui vient de loin et résonne comme une harmonie retrouvée. Et puis l'envie nous prend d'en apprendre davantage sur l'origine de cette musique, qui sont les musiciens qui la composent et que dit-elle... Les textes et les mélodies des chansons de Tinariwen ont une histoire et elle peut s'adresser à chacun d'entre nous...

En 1963, peu après l'indépendance, les Touaregs du Mali se soulèvent contre les nouvelles autorités. Cette révolte est réprimée dans le sang. La répression va provoquer le premier courant migratoire des populations touaregs vers l'Algérie. Les effets cumulés de la sécheresse de 1973-74 poussent sur les routes des milliers de réfugiés du Mali et du Niger vers l'Algérie et la Libye, entraînant un exil massif vers les grandes villes du maghreb et de l'Afrique subsaharienne. C'est dans la douleur que naît la Teshumara, mouvement affirmant l'existence mais aussi la nécessaire évolution du peuple Touareg. Alors on entendit vibrer les guitares du groupe Tinariwen...

Si la diaspora semble se construire autour de l'urbanité, l'exil est marqué par l'errance. Les jeunes Touaregs de la diaspora abandonnent pour la plupart l'élevage, et alternent travail précaire et chômage. On les désignera désormais sous le nom d'Ashamour (au pluriel, Ishoumar), altération berbère du mot français chômeur.
Les générations de l'exil vont élaborer une nouvelle réflexion politique, dont l'aboutissement serait la lutte pour une justice sociale pour le peuple touareg.
En 1990, le mouvement issu du Mali débute la rébellion. Le 11 avril 1992, un pacte national est signé entre le gouvernement malien et les mouvements rebelles. Ce n'est finalement qu'à l'aube de l'an 2000 que le pays touareg des Ifoghas s'ouvre peu à peu au monde.

Tinariwen (en touareg : "ⵜⵏⵔⵓⵏ " du tamasheq, "les déserts", pluriel de : ténéré) est originaire de Tessalit au nord est du Mali. La naissance du groupe Tinariwen en 1982 est intimement liée à la situation d'exil et d'errance du peuple touareg. Il est l'émanation même de cette diaspora. Les musiciens de Tinariwen sont tous originaires de l'Adrar des Ifoghas, réfugiés dans les années 1970 à Tamanghasset, en Algérie.
Leurs poésies chantées appellent à l'éveil politique des consciences, et abordent les problèmes de l'exil, de la répression et des revendications politiques. Le groupe, du nom de Taghreft Tinariwen (qui signifie "l'édification des pays"), s'est tout d'abord produit dans cette période d'exil. Il va évoluer peu à peu vers une formation complète, et se fait accompagner par des choristes féminines pour mieux acheminer la musicalité du groupe, en la rattachant à celle des campements.





Tinariwen se produit alors en toutes circonstances, telles que les soirées de la jeunesse ou lors des fêtes traditionnelles (mariages, baptêmes).
Le groupe Taghreft Tinariwen est le créateur de la musique contemporaine touareg. Le style des "guitares" est le symbole de leur musicalité moderne. Le genre musical Tishoumaren joue un rôle déterminant dans la reconnaissance culturelle de la jeunesse touareg. Les chansons elles-mêmes sont des formes vivantes, sonores et imaginaires, parfois profondément réelles, de l'identité moderne du peuple touareg. L'exil et la résistance sont d'abord les thèmes majeurs des ishoumars, mais au fil du temps, Tinariwen est devenu, par ses chansons, le symbole de la vie quotidienne au pays Tamashek. Un chant d'amour qui vient des temps d'épreuves.
 
Tinariwen est non seulement le premier groupe des ishoumars, mais aussi le plus connu. Les musiciens du groupe sont des légendes vivantes de la musique contemporaine touareg. Aujourd'hui, ils sont une dizaine de personnes venues de Kidal, capitale administrative de l'Adrar des Ifoghas, à Bamako. C'est un signe que les temps changent. L'instrumentation du groupe, même qualifiée de moderne, reste simple. Dans ces conditions, le lien avec la musique traditionnelle touareg est évident. Les instruments utilisés sont de trois types. Des cordes, essentiellement des guitares, acoustiques ou électriques (mais parfois aussi d'autres instruments plus traditionnels comme le Téhardant ou n'goni) jouent la partie mélodique des chansons. Les voix démarrent sur un chant mené par le compositeur. Suivent peu à peu tous les musiciens, qui reprennent en chœur. L'ensemble s'appuie sur les percussions en usage au désert. Les plus importantes sont les claps des mains. La musique touareg vous emporte dans un voyage doucement rythmé au pas du chameau.

"Je serre les cordes
Les harnachements
Mes chameaux ne sont pas muselés
Je prends la route du sel
Qui passe vers Sader
Je rentre à Agadez, l'après-midi
En traversant Damaibrar
Avec un chameau blanc
Brave et agité" (Chant traditionnel touareg)


Tinariwen - Amassakoul by Bukowski Louis on Grooveshark


"C'est le rock des Touaregs, rencontre entre un BB King acéré et des muezzins survoltés, chants de révolte, d'errance, d'amour, blues nomade popularisé hors des frontières du Mali par Tinariwen, littéralement "ceux du désert", champion de la Teshumara, la nouvelle culture touareg.
Mais les Tinariwen ne sont pas qu'un orchestre. Durant la rébellion des Touaregs contre le pouvoir malien, au début des années 90, ils furent aussi de farouches combattants, des maquisards troubadours dont les chansons, interdites au Mali, servirent d'hymnes révolutionnaires.
(Le film documentaire de Jérémie Reichenbach réalisé en 2006, "Teshumara, les guitares de la rébellion Touareg" est) une saga en musique : car les rebelles du désert ont définitivement posé leurs fusils pour agripper à nouveau leurs guitares."
Source : Philippe Barbot - Telerama sur la jaquette du dvd.

Les musiciens de Tinariwen
Ibrahim Ag Alhabib, dit Abreybone, chant, guitare. Compositeur, interprète, il est né vers 1958 aux environs de Tessalit. Il est membre fondateur du groupe Tinariwen. La notoriété de ses chansons est immense chez les siens. Sa production révèle une forte inspiration pour le thème de l'errance, mais aussi de l'amour. C'est un guitariste au style très fin et élégant.

Alhousseini Abdoulahi, dit Abdalla, guitare, chant. Compositeur, interprète, il est né en 1968 à In-Lamawene. Il commence l'apprentissage de la guitare en 1988. Personnage plus posé que ses amis, Abdallah est connu pour avoir chanté l'union et l'apaisement au moment des divisions. Il compose aussi beaucoup de chansons d'amour ou des textes à caractère philosophique. Abadalla est un guitariste précieux, qui montre également son attirance pour la basse. 

Alassane Touhami, dit Abin-Abin, chant, percussions, guitare. Compositeur, interprète, il est né en 1959 à Kidal et suit le même parcours que ses compagnons. Il est l'un des premiers, avec Abdallah, à se rendre à Bamako. L'un des fondateurs de Tinariwen en exil, il excelle autant à la guitare qu'aux percussions.

Eyadou Ag Leche, guitare, chant. Né à Kidal en 1978, Eyadou est parti très jeune en exil à Tamanrasset avec sa famille, où il a grandi en faisant des études, jusqu'au secondaire, mais en arabe, puis quatre ans d'école française. Il aime le foot-ball.

Said Ag Ayad, percussionniste. Né en 1979 à Abeibara, dans les Iforas, il joue depuis quelques années avec Tinariwen, en apportant des percussions utilisées dans tout le Maghreb, telle que le derbouka..

Wounnou Wallet Oumar, chant, percussions. Nouvellement venue dans le groupe, qu'elle accompagnait pourtant occasionnellement depuis longtemps. Née en 1973 à Kidal, où elle a vécu jusqu'à présent.

Mina Wallet Oumar, chant, percussions. C'est la toute dernière venue du groupe. Comme sa sœur, elle a vécu à Kidal jusqu'à présent, où elle est née en 1982. La présence des deux choristes permettent de souligner les liens évidents entre les compositions personnelles du groupe et la musique traditionnelle touareg, particulièrement cultivée par les femmes.

Extraits des dialogues de Teshumara, les guitares de la rébellion Touareg
"Les Kel Tamashek, connus sous le nom de Touaregs, sont un peuple qui vit sur cette terre qu'on appelle Sahara. Depuis le début de leur Histoire, on ne leur connait pas d'autre origine. Ils y ont toujours vécu. Seule l'arrivée de l'Islam a été acceptée sans résistance et cette islamisation a été menée par un homme du nom de  Rahbata Ibn Nafer.
Le massif de l'Adrar des Ifoghas a été le dernier bastion pris par les français. Quand ils sont arrivés ici, ils avaient déjà affaibli les Touaregs Imouchar & les Touaregs du Hoggar en Algérie. Les Touaregs du Niger avaient déjà été soumis.
La colonisation a été pour nous une période d'aisance. Chacun avait assez pour vivre. Il n'y avait pas de banditisme, ni de contrebande. Le pays était tranquille, il n'y avait pas de problème. C'était la paix , la prospérité." [...]

Quand le Mali est devenu indépendant, l'oppression a commencé. Nouveaux impôts sur les personnes, les animaux... Les hostilités avec les soldats méharistes du Mali ont débuté. Les Touaregs furent alors arrêtés systématiquement. Du simple éleveur au chef de tribu, tous étaient ligotés, battus et le plus souvent tués. La révolte a lors pris de l'ampleur. Des poésies ont aussi été écrites à partir de 1963 et ce sont sur ces poésies authentiques que s'appuient, entre autres les Tinariwen, "Ceux du désert".
Un des premiers jeunes Touaregs à se révolter s'appelait Ala Ag Elbachir. Il a fait un poème :
"C'est une salutation que j'envoie à mes sœurs Timakalkalen, de Chetghéla et de Théraren à qui l'ont fait croire que plus personne n'est là pour elles.
Sachez que je lance le cri des fauves aux dents aiguisées qui inquiète l'ennemi venant secourir les femmes.
Nous sommes prêts à mourir sans négocier, et la tête édentée de nos ennemis se brisera.
Et pour Daoud, ce ne sera rien.
Quand seul le coucher du soleil viendra à leur secours, alors le chacal se régalera et dansera de joie sur leurs cadavres.
Je saurai alors que Dieu donne la joie et Son prophète, le pardon.
Et tout le bien dont vous serez gavé ne sera plus que gâchis sur la dune de la colère."


Sources

Discographie
1992 : Ténéré
1993 : Bamako
2002 : The Radio Tisdas Sessions
2004 : Amassakoul
2006 : The Soul Rebel of African Desert, DVD (inclus le film de Jérémie Reichenbach, The Guitars of the Touareg Rebellion)
2007 : Aman Iman
2008 : Ishumar, musique touarègue de résistance
2009 : Imidiwan : Companions
2011 : Tassili
2014 : Emmar




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5 commentaires:

  1. Merci...
    Voir aussi cette vidéo d'août 2011:

    Tinariwen - "Tassili" desert sessions - full version
    http://www.youtube.com/watch?v=N2B8wIOIeO8

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  2. D'ailleurs je la mets ici, finalement !

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  3. Salut ! Merci bcp , mais le lien de video Teshumara ne marche pas

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  4. @Amawal
    Dommage collatéral dû à la fermeture de MegaUpload !
    Re-up en cours...
    Merci de me faire savoir si c'est OK

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